Comme nous l’indiquions lors d’un précédent TIPS, un des éléments scrutés par les investisseurs est l’équipe, sa complémentarité et sa solidité. Et dans une petite structure chaque personne compte double. Le moindre faux-pas en matière de recrutement peut condamner la start-up. Mais alors, à quoi s’attendre lorsqu’on rejoint une start-up ? Quels sont les facteurs à prendre en compte pour savoir si le profil de la future recrue est compatible avec l’environnement start-up ? Comment attirer et recruter les bons profils ? Mais aussi, la question qui chatouille, quand faut-il changer de CEO ?
L’environnement start-up, kesako ?
La start-up a une image mythique, glamour et sexy, à commencer par les anglicismes utilisés pour la décrire : start-up, tech nation, scale-up, business plan, etc. A vrai dire tout cela est un peu over-rated. Derrière ces mots se cache une réalité qui peut conduire à la désillusion de certain(e)s candidat(e)s qui avaient soif d’innovation, d’un monde qui bouge, du quotidien en jean-baskets où tout le monde se dit « tu », dans des locaux où on peut écrire sur les murs. Le quotidien de la start-up, c’est aussi une survie dépendante de levées de fonds successives, de l’incertitude à tous les étages, un concept à prouver, une traction marché à démontrer, un dédale dans la réglementation des produits de santé, un modèle économique à inventer… Et tout cela en démarrant à 2 ou 3 personnes. On comprend alors que, plus que partout ailleurs, chaque personne compte.
Tout le monde est-il taillé pour travailler dans une start-up ?
Lorsqu’un(e) candidat(e) vient d’une entreprise où tout est structuré et cadré, la transition vers un environnement start-up – où le cadre se construit au fur et à mesure – n’est pas évidente. La start-up requiert de l’agilité, de l’adaptabilité et de la flexibilité pour faire face aux pivots et réorientations stratégiques. L’avantage en revanche est son dynamisme et la possible de laisser son empreinte car tout est à façonner. Cela implique de saisir pleinement du poste, de mettre ses mains dans le cambouis, d’être couteau-suisse et s’impliquer du sol au plafond… avec des moyens limités – il est important que la future recrue comprenne qu’il n’y aura probablement pas d’assistant(e) pour réserver ses billets d’avion et pas de budget pour prendre un stand de 100m2 sur les salons. Donc, en regard d’une expertise « métier », il y a indéniablement un jeu de soft skills, une culture et un état d’esprit start-up à avoir ou acquérir rapidement pour une intégration réussie dans une start-up. A cet égard, le vivier de personnes éligibles est relativement faible.
Où sont les talents et comment les coopter… et les garder ?
Souvent ils sont déjà dans une start-up ou dans l’écosystème de l’innovation. Il est en effet difficile de parier sur un(e) candidat(e) qui a une carrière exclusivement industrielle.
Concernant un recrutement de C-level, il ne faut pas hésiter à aller chercher les personnes au-delà des frontières car il faut trouver la compétence qui va faire grandir la société. Ces talents-là accepteront de rejoindre la start-up en faisant un effort sur le pack salarial en contrepartie d’un projet bien ficelé et bien présenté par le CEO. C’est l’innovation technologique, la proposition de valeur (répondre à un besoin de santé est un levier de motivation indéniable) et le potentiel de ROI qui les motivera. Par ailleurs, un poste de C-level valorisera leur carrière et enrichira leur CV.
Nous rappelons ici l’importance de l’équipe dans une start-up et clairement les gens sautent le pas lorsqu’ils sont attirés par une personne, en l’occurrence ici il s’agit du CEO. C’est le CEO qui va incarner la start-up, ses valeurs et son potentiel. Il est très important que le CEO sache convaincre à travers le projet et l’histoire de sa société. La personnalité du CEO et de son équipe rapprochée vont énormément compter par rapport à un recrutement classique.
« Deux éléments clés pour réussir son recrutement : bien définir le profil attendu et mettre en avant le projet et l’histoire de l’entreprise »
Les facteurs d’échec de recrutement communément observés dans les start-ups sont :
• Le décalage entre la fiche de poste et les besoins réels du terrain est souvent dû à une mauvaise définition du poste. Par exemple, un profil de commercial convient bien lorsque le marché est déjà établi. En revanche, dans une phase plus amont, en pré-commercialisation, un profil market access est mieux adapté pour créer et atteindre un marché.
• Le micro-management du CEO alors que le(la) candidat(e) était à la recherche d’autonomie. Dans une start-up où le CEO est le fondateur, l’entreprise est « son bébé » et il arrive que le CEO ne laisse pas la place au profil senior nouvellement recruté – frustration garantie.
• Le manque de préparation pour intégrer la nouvelle recrue et/ou candidat(e) inadapté(e) à l’environnement start-up.
Pourquoi et comment changer de CEO ?
C’est un signal qui vient souvent des investisseurs, généralement à la transition de la préclinique à la clinique et la préparation de la commercialisation. Le board peut alors demander une évaluation des personnes qui composent l’équipe pour remettre à plat l’organisation et s’assurer que les personnes sont adaptées au changement d’échelle. Ainsi les cabinets de recrutement spécialisés tels que HTI sont régulièrement mandatés par des VC avant un tour de table pour avoir un diagnostic de l’équipe en place : la structuration de la société permet-elle d’aller en phase clinique ? Quelle compétence doit-on ajouter à l’équipe ? Le CEO doit-il être remplacé ?
Concernant le changement de CEO, c’est une transition délicate mais souvent nécessaire. Dès la création de la start-up, le CEO doit intégrer qu’il sera toujours le fondateur, mais qu’il ne sera probablement pas éternellement le CEO. Lorsque le CEO doit être remplacé, la démarche doit être transparente. Souvent cette transition se fait avec une étape de biseau, par exemple avec le recrutement d’un Directeur général ou d’un Directeur des Opérations. Le lien reste en général étroit car l’ex-CEO rejoint généralement le board de la société ou devient conseiller.
Propos recueillis auprès d’Edith Howard et Anne Mascarelli du Cabinet Healthcare & Technology International – (HTI) en mars 2022
TIPS @Angels Santé, rédigé par Ophélie Philipot